Publié le 22-12-2020 par Me Tom SÉNÉGAS
Promulgation de la loi ASAP & impacts sur la commande publique
La loi dite d’Accélération et de Simplification de l’Action Publique est entrée en vigueur le 7 décembre dernier. Focus sur les principales mesures qui doivent retenir l’attention des acheteurs publics.
Les marchés conclus de gré à gré pour motif d’intérêt général
La mesure qui a suscité le plus de débats concerne le nouvel article L. 2122-1 du code de la commande publique. Celui-ci fait désormais référence à l’intérêt général comme condition justifiant la signature de gré à gré d’un marché public (signature d’un tel marché sans publicité ni mise en concurrence préalables). Cela sera possible « en raison notamment de l’existence d’une première procédure infructueuse, d’une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée » (loi ASAP, art. 131). Le législateur a renvoyé au pouvoir réglementaire (décret en Conseil d’État) le soin de préciser les contours de cette dérogation (CCP, art. R. 2122-1 s.). Pour autant, attention, le Conseil constitutionnel a rappelé, dans le cadre de son contrôle a priori, que les acheteurs demeurent toujours soumis au respect des principes fondamentaux inscrits à l’article L. 3 du code de la commande publique. Les acheteurs publics sont désormais dans l’attente du décret en Conseil d’État, dont la rédaction s’annonce délicate.
Le seuil porté à 100 000 € pour les marchés publics de travaux jusque fin 2022
La loi ASAP consacre un relèvement temporaire du seuil à 100 000 € en-deçà duquel aucune procédure de publicité et de mise en concurrence n’est imposée pour les marchés publics de travaux. Autorisée jusqu’au 31 décembre 2022, cette mesure traduit la volonté du gouvernement de redynamiser l’activité économique via la commande publique. Sans surprise, les opérateurs économiques visés sont les PME/TPE qui sont les premières victimes de la crise économique liée à la covid-19.
Des mesures favorables aux entreprises en redressement judiciaire
Une mesure porte sur l’accès des entreprises en redressement judiciaire à la commande publique. Ces dernières ne seront plus exclues de plein droit de la procédure de passation si elles bénéficient d’un plan de redressement. Le souci du législateur est d’accompagner les entreprises fragilisées par la crise en leur permettant de candidater à un marché public.
Circonstances exceptionnelles
Codifiant les dispositifs exceptionnels de l’ordonnance du 25 mars 2020 durant le 1er état d’urgence sanitaire, le législateur a prévu qu’en cas de circonstances exceptionnelles, les pouvoirs adjudicateurs et les entreprises seront protégés. Du point de vue de l’acheteur public, les mesures ainsi adoptées tendent toutes à assurer la continuité des prestations et in fine du service public. À titre d’illustration et dans de telles circonstances, les procédures de la consultation seront adaptées dans le souci de l’efficacité (CCP, art. L. 2711-3 et -4) et les contrats pourront être prolongés (CCP, art. L. 2711-5). Du point de vue de l’opérateur économique, en cas de défaillance, aucune sanction financière ne pourra lui être imputée si et seulement si les difficultés trouvent leur origine dans la crise (CCP, art. 2711-8).
Possibilité de passer des marchés de service juridique sans publicité ni mise en concurrence
La loi ASAP extrait du droit commun les services juridiques d’avocat en lien avec des procédures juridictionnelles (représentation juridique dans le cadre d’une procédure juridictionnelle et services de consultation juridique en vue de la préparation d’une telle procédure) et les intègre au sein des « autres marchés » (listés à l’article L. 2512-5 du CCP).
Dès lors, les acheteurs soumis au CCP pourront désormais conclure de tels marchés sans publicité ni mise en concurrence préalable, et ce quel qu’en soit leur montant.
Publié le 01-12-2020 par Me Benjamin ACHARD
Délai raisonnable de recours : de nouveaux cas d’application consacrés
Le juge administratif a récemment complété les cas d’application de la jurisprudence Czabaj, selon laquelle même en l’absence de mention des voies et délais de recours, une décision ne saurait être contestée au-delà d’un délai raisonnable, estimé, sauf circonstances exceptionnelles, à un an (CE, 13 juillet 2016, n°387763).
D’une part, une jurisprudence en date du 25 septembre 2020 considère que la décision préfectorale transférant d’office de voies privées ouvertes à la circulation dans le domaine public communal doit être contestée dans un tel délai raisonnable (CE, 25 septembre 2020, n°430645).
In fine, le Conseil d’Etat a donc estimé qu’au-delà des décisions individuelles, le délai raisonnable de recours concernait les actes que l’on qualifie habituellement de « décisions d’espèce », qui ne sont ni règlementaires, ni individuelles. Le délai raisonnable court à compter de leur connaissance par les intéressés, qui résulte de leur notification.
Le juge administratif estime également que l’atteinte potentielle au droit de propriété ne fait pas partie des circonstances particulières justifiant de proroger le délai raisonnable d’un an.
D’autre part, une jurisprudence confirme l’application du délai raisonnable à la contestation du rejet implicite d’un recours gracieux, c’est-à-dire lorsque l’administration, saisie d’un tel recours, n’a ni accusé réception moyennant indication des délais, ni explicitement répondu (CE, 12 octobre 2020, Ministre de l’agriculture c. Société Château Chéri, n°429185).
Dans ce cas, le Conseil d’Etat précise néanmoins que la connaissance du rejet implicite par le requérant ne résulte pas uniquement de l’écoulement du délai.
Il est nécessaire soit que l’intéressé ait été clairement informé des conditions de naissance d’un rejet implicite, soit que cette décision ait été mentionnée dans les échanges ultérieurs avec l’administration.
Ces décisions s’inscrivent dans la suite logique de la jurisprudence Czabaj, justifiée par le principe de sécurité juridique, au détriment du principe de légalité.
Plus que jamais, même en l’absence de réponse de l’administration, la prudence commande d’introduire un recours contentieux au plus vite et, en tout état de cause, avant l’expiration du délai raisonnable d’un an.
Publié le 10-11-2020 par Me Grégory MOLLION
Le chômage partiel est-il applicable aux régies autonomes gérant des remontées mécaniques au-delà de 2020 ?
Le régime dit du « chômage partiel » permet, en cas de recours à l'activité partielle, aux salariés concernés par une perte de salaire d'être indemnisés par leur employeur. En contrepartie, l'employeur peut obtenir de l'État une allocation correspondant aux heures chômées.
De longue date, l'interprétation du texte applicable conduisait les services de l'État à refuser de voir ce régime appliqué aux régies dotées de la seule autonomie financière qui gèrent un service public à caractère industriel et commercial de remontées mécaniques ou de pistes de ski, seul l’EPIC ayant la personnalité morale pouvant y prétendre en application e l’article L 3111-1 du code du travail. L’absence de mention des régies à seule autonomie financière dans ce texte de loi emportait donc des conséquence parfois désastreuses pour les petites stations qui assurent pourtant la même mission que les EPIC ou que les SEM et SPL.
La loi montagne 2, du 28 décembre 2016, avait en partie remédié au problème en instituant une expérimentation d’un dispositif d’activité partielle pour les régies gérant un service de remontées mécaniques, le décret n° 2017-753 du 3 mai 2017 permettant sa mise en œuvre.
L’expérimentation arrivant à son terme, la loi d'urgence sanitaire n° 2020-290 du 23 mars 2020, à compter du 12 mars 2020 jusqu'à une date fixée par décret, et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre 2020, a toutefois prévoit que les salariés de droit privé des EPIC de l'État, des groupements d'intérêt public, et des sociétés publiques locales peuvent être placés en activité partielle dès lors que ces employeurs exercent à titre principal une activité industrielle et commerciale dont le produit constitue la part majoritaire de leur ressource.
Surtout, l’ordonnance prévoit aussi le placement en activité partielle aux salariés des régies dotées de la seule autonomie financière des communes ou syndicats de commune qui gèrent un SPIC de remontées mécaniques ou de pistes de ski. Ils peuvent être placés en activité partielle sous réserve que leur employeur ait adhéré au régime d'assurance chômage.
Le dispositif doit trouver son terme le 21 décembre 2020, gageons et espérons qu’au regard du contexte actuel, ce dispositif soit pérennisé.
Consultez l'article 10 de l'ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020
Publié le 16-10-2020 par Me Tom SÉNÉGAS
Nouvelle police de la sécurité des immeubles : un dispositif simplifié
Les Affiches de Grenoble et du Dauphiné ont publié, dans le numéro du 16 octobre 2020, un article rédigé par Me SENEGAS portant sur la réforme de la police de la sécurité des immeubles.
Publié le 01-10-2020 par Me Tom SÉNÉGAS
Expulsion des gens du voyage : le Conseil d’Etat clarifie l’articulation entre procédure spéciale auprès du Préfet et référé devant le Tribunal Administratif
L’article 9 II de la Loi N°2000-614 du 5 juillet 2000 prévoit, sous conditions, que le Maire d’une Commune sur le territoire de laquelle des gens du voyage stationnent a la possibilité de demander au Préfet de mettre ceux-ci en demeure de quitter les lieux dans un certain délai, et ce si le stationnement porte atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.
Cette procédure administrative spéciale interdit-elle aux Maires de saisir le Tribunal Administratif en référé ?
En pratique, compte tenu de la carence fréquente des préfectures en la matière, la question n’est pas dépourvue d’intérêt. Elle interrogeait, jusqu’alors, de nombreuses collectivités.
Sur le plan juridique, la réponse à cette question n’est pas évidente, et ce pour deux raisons :
Malgré cela, par un arrêt qui sera publié aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a estimé que l’article 9 de la Loi du 5 juillet 2000 ne fait pas obstacle, même si les conditions de son application étaient réunies, à la saisine du juge des référés sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative (référé dit « mesures utiles ») pour obtenir l’expulsion d’occupants sans titre du domaine public.
Le Maire peut donc envisager la saisine du juge des référés alors même qu’il aurait la possibilité de saisir le Préfet dans le cadre de la procédure administrative prévue par les dispositions précitées de la Loi du 5 juillet 2000, malheureusement peu mise en œuvre par le représentant de l’Etat.
Par cette décision que l’on peut saluer, le Conseil d’Etat rend plus efficace l’intervention du Maire face à des occupations irrégulières du domaine public communal (terrains de sport, parcs municipaux notamment).
Consultez la décision n°437113 du Conseil d’Etat du 16 juillet 2020
Publié le 31-07-2020 par Me Tom SÉNÉGAS
Relèvement temporaire du seuil de certains marchés publics
Par un décret n°2020-893 du 22 juillet 2020, le Gouvernement facilite temporairement la conclusion de marchés publics dans deux secteurs économiques jugés prioritaires : les marchés publics de travaux et la fourniture de denrées alimentaires.
Afin de soutenir les entreprises du BTP, durement touchées par la crise sanitaire, ce décret relève, pour une durée d’un an, de 40 000 € HT à 70 000 € HT, le seuil de dispense de procédure pour la passation des marchés publics de travaux. Cette mesure permettra aux acheteurs publics de contracter directement, et donc rapidement avec des entreprises, ceci étant censé faciliter la reprise économique dans ce secteur.
Par ailleurs, dans l’objectif affiché de lutte contre le gaspillage alimentaire, le décret facilite également, pour une durée de 5 mois, l’achat de denrées alimentaires produites, transformées et stockées pendant l’état d’urgence sanitaire et qui seront livrées avant la date du 10 décembre 2020. L’exemption de mise en œuvre d’une procédure de mise en concurrence vise les marchés publics conclus en la matière jusqu’à 100 000 €. Cette mesure s’applique également aux lots dont le montant est inférieur à 80 000 € HT, à condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20% de la valeur totale estimée de tous les lots du marché.
Ce faisant, ces deux nouveaux seuils sectoriels et temporaires vont coexister avec le seuil de droit commun, fixé à 40 000 euros HT, au-delà duquel une véritable procédure de publicité et de mise en concurrence s’impose.
Même en-deçà de ces seuils, les acheteurs sont invités à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin.
Publié le 21-07-2020 par Me Grégory MOLLION
Délégations de service public : À quelles conditions peut-on signer un avenant de modification ?
Publié le 01-06-2020 par Me Benjamin DJEFFAL
Procédures administrative et contentieuse & Covid-19 : Mise à jour de la fiche pratique consacrée à l’ordonnance n°2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures, telle que modifiée par ordonnances des 15 avril 2020 et 13 mai 2020.
Le Cabinet propose un décryptage des incidences des Ordonnances des 15 avril 2020 et 13 mai 2020. L’impact de ce texte est significatif quant aux nombreux délais applicables ou opposables aux collectivités locales.
Publié le 29-05-2020 par Me Tom SÉNÉGAS
Covid-19 & processus électoral : quels impacts sur la commande publique ?
Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, des mesures ont été prises pour adapter les règles de passation en matière de commande publique. Toutefois, c’est davantage l’interruption du processus électoral qui fait naître des incertitudes sur la latitude des acheteurs, sources d’insécurité juridique.
Consultez l'article complet
Publié le 20-05-2020 par Me Marion MILLET
Le Cabinet propose un décryptage des incidences des Ordonnances n°2020-539 du 7 mai 2020 et n°2020-560 du 13 mai 2020 sur le Doit de l’Urbanisme, celui-ci venant modifier la précédente fiche consacrée aux Ordonnances n°2020-427 du 15 avril 2020 (portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de covid-19) et n°2020-306 du 25 mars 2020.
Publié le 29-04-2020 par Me Grégory MOLLION
Comment signer une DSP avec une société publique locale (SPL) ?
Une intéressante réponse ministérielle a été publiée le 10 mars 2020 afin de faire le point sur les obligations pour une collectivité lorsqu’elle confie une délégation de service public (D.S.P) à une SPL.
Pour rappel, la SPL est une société commerciale dont les capitaux sont détenus à 100% par des collectivités publiques. Si cette SPL exerce ses missions pour le compte de ses actionnaires et si ses actionnaires exercent sur elle un contrôle analogue à celui qu’ils exercent sur leur propre service, la signature du contrat avec la SPL n’est pas soumise aux obligations de mise en concurrence applicables aux concessions.
Pour autant, cette exclusion du régime des concessions n’est pas exempt d’obligations pour la collectivité. Cette question a été traitée synthétiquement par la réponse ministérielle précitée, les grandes lignes sont les suivantes :
Publié le 27-04-2020 par Me Tom SÉNÉGAS
Commande publique et Covid-19 : Décryptage de l’ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020
Le Cabinet propose une Fiche pratique décryptant les incidences de l’Ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020 sur le droit de la Commande publique. Cette dernière Ordonnance vient modifier certaines dispositions de l’Ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020, objet d’une précédente fiche.
Publié le 22-04-2020 par Me Marion MILLET
Le Cabinet propose un décryptage des incidences de l’Ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 (portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de covid-19) sur le droit de l’Urbanisme. Cette fiche pratique vient modifier celle consacrée aux incidences de l’Ordonnance n°2020-306 (relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures) sur le droit de l’Urbanisme, précédemment mise en ligne.
Publié le 04-04-2020 par Me Benjamin DJEFFAL
Procédures administrative et contentieuse & Covid-19 : Décryptage de l’ordonnance n°2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures.
Le Cabinet propose un décryptage des incidences de l’Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 (relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures) sur le droit de l’Urbanisme. L’impact de ce texte est significatif pour les collectivités locales.
Publié le 03-04-2020 par Me Tom SÉNÉGAS
Commande publique et Covid-19 : Décryptage de l’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020.
Après la loi relative à l'état d'urgence sanitaire et les implications de l'ordonnance portant prolongation des délais échus en matière d'Urbanisme, le Cabinet CAP vous propose un décryptage de l'ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 portant sur le droit de la Commande publique.
Publié le 02-04-2020 par Me Marion MILLET
Le Cabinet propose un décryptage des incidences de l’Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 (relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures) sur le droit de l’Urbanisme.
Publié le 26-03-2020 par Me Benjamin ACHARD et Me Tom SÉNÉGAS
Loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 Décryptage des dispositions intéressant les collectivités territoriales
Le Cabinet propose un décryptage de la loi n° 2020-290 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, s’agissant des dispositions intéressant les collectivités territoriales. Police, commande publique, délais, droit électoral, le champ est vaste.
A suivre, les ordonnances à paraître au JO.
Publié le 18-03-2020 par Me Tom SÉNÉGAS
Épidémie de COVID-19 et commande publique : Comment les collectivités peuvent-elles faire face à leurs besoins urgents actuels ?
Face à la crise sanitaire que traverse actuellement le pays, le Gouvernement a pris des mesures restrictives afin de limiter la propagation du virus (arrêté du 14 mars 2020 et un décret n°2020-260 du 16 mars 2020) et l’activité économique est largement ralentie, si ce n’est totalement arrêtée dans certains secteurs. Cette situation inédite permet de conclure certains marchés avec une plus grande souplesse, sous réserve de respecter certaines conditions.
Si la satisfaction d’un besoin est urgente, les acheteurs publics peuvent alors appliquer les délais réduits de publicité (3° de l’article R. 2161-8 du code de la commande publique) dans le cadre d’une mise en concurrence.
Plus encore, ils peuvent aussi mettre en œuvre la procédure sans publicité ni mise en concurrence préalable prévue en cas d’urgence impérieuse si l’urgence est telle que la satisfaction de leur besoin est incompatible avec ces délais réduits.
Aux termes de l’article R. 2122-1 du Code de la commande publique, en effet :
« L'acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables lorsqu'une urgence impérieuse résultant de circonstances extérieures et qu'il ne pouvait pas prévoir ne permet pas de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées.
Tel est notamment le cas des marchés rendus nécessaires pour l'exécution d'office, en urgence, des travaux mentionnés aux articles L. 1311-4, L. 1331-24, L. 1331-26-1, L. 1331-28, L. 1331-29 et L. 1334-2 du code de la santé publique et des articles L. 123-3, L. 129-2, L. 129-3, L. 511-2 et L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation ainsi que des marchés passés pour faire face à des dangers sanitaires définis aux 1° et 2° de l'article L. 201-1 du code rural et de la pêche maritime.
Le marché est limité aux prestations strictement nécessaires pour faire face à la situation d'urgence. »
Le 28 février dernier, le Gouvernement a annoncé une première série de mesures pour aider les entreprises et salariés alors que le Coronavirus se développait déjà largement en France. Le Ministre de l’Economie a indiqué que le COVID-19 sera « considéré comme un cas de force majeure ». A ce titre, le Gouvernement a indiqué que pour tous les marchés publics de l’Etat, en cas de retard de livraison de la part des entreprises, aucune pénalité ne serait appliquée.
Parallèlement, le Gouvernement a sollicité de l’Association des Maires de France (AMF) que les élus locaux fassent preuve de clémence à l’égard des entreprises et s’alignent sur ce même engagement pour leurs marchés en cours d’exécution.
Par ces temps de crise sanitaire, les collectivités locales peuvent avoir à répondre à des besoins urgents pour faire face à une telle situation (travaux essentiels sur des réseaux publics par exemple), inédite, et ce alors même qu’une partie importante de leurs personnels est en télétravail, voire en arrêt de travail (services techniques notamment).
L’article R. 2122-1 du CCP précité permet aux acheteurs publics de conclure un marché négocié sans publicité de mise en concurrence préalables en cas d’urgence impérieuse. Il en est ainsi, alors même que le seuil de 40 000 € H.T. serait dépassé.
Ce même article prévoit que l’urgence impérieuse résulte de circonstances extérieures que l’acheteur ne pouvait prévoir.
Bien que cette situation d’urgence impérieuse soit appréciée de manière stricte par la jurisprudence (CJCE, 10 avril 2003, Commission c/ Allemagne : Aff. C-20/01 et C-28/01, point 28), la crise sanitaire que connait aujourd’hui la France correspond à notre sens à une urgence impérieuse. L’article R. 2122-1 du Code de la commande publique fait, au demeurant, référence à l’article L. 1311-4 du Code de la santé publique (cas du « danger ponctuel imminent pour la santé publique »).
Par le passé, par exemple, une catastrophe naturelle telle que la tempête Xynthia en 2009, des inondations ou un séisme, la nécessité d’engager la recherche de victimes après une catastrophe aérienne ou la survenance d’actes terroristes constituent autant de situations d’urgence impérieuse (V. notamment : CJUE, 20 juin 2013 : Aff. C-352/12, point 48 – CAA Marseille, 12 mars 2007, Commune de Bollène : Req. 04MA00643).
En revanche, il a été jugé que le passage d’une dépression tropicale dans une zone à risque ne peut être qualifiée d’évènement imprévisible et, ainsi, caractériser une urgence impérieuse (CE, 26 juil. 1991, Commune de Sainte-Marie-de-la-Réunion : Req. 117717).
Aussi, une telle situation ne peut pas résulter d’irrégularités ou de négligences commises dans la passation d’un marché par l’administration (CAA Lyon, 18 mai 1989, Société Royat Automobiles : Req. 89LY0042).
A noter : la DAJ, par une fiche datée de ce 18 mars 2020, précise que de tels achats ne doivent être effectués que pour les montants et la durée strictement nécessaires à la satisfaction des besoins urgents. Ils pourront être renouvelés si la situation de blocage devait se prolonger.
Sur le plan formel, l’urgence impérieuse doit être explicitement motivée par l’acheteur public.
Au total, si cet outil exceptionnel est encadré, tant sur le fond que du point de vue formel, il offre la possibilité aux collectivités publiques de faire face au caractère exceptionnel et inédit de la crise sanitaire que nous traversons.
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Par ailleurs, s’agissant des concessions, le Code de la commande publique prévoit en son article R. 3121-6 que des contrats provisoires peuvent être conclus sans publicité ni mise en concurrence « en cas d’urgence résultant de l’impossibilité dans laquelle se trouve l’autorité concédante publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service concédé par son cocontractant ou de l’assurée elle-même, à la condition, d’une part que la continuité du service soit justifiée par un motif d’intérêt général et, d’autre part que la durée de ce nouveau contrat de concession n’excède pas celle requise pour mettre en œuvre une procédure de passation ».
Les acteurs publics disposent donc d’outils juridiques adaptés pour réagir efficacement et assurer la continuité des services publics dont ils sont investis (principe de valeur constitutionnel : CC, 79-105DC du 25 juil. 1979).
Le Cabinet CAP – CONSEIL AFFAIRES PUBLIQUES reste pleinement mobilisé pour vous accompagner dans cette période.
Publié le 24-01-2020 par Me Tom SÉNÉGAS
Directeur de SPIC, le rappel de la qualité d’agent public par le Tribunal des conflits en dépit de l’application du droit du travail jusqu’à son licenciement
Par une décision du 13 janvier 2020, rendue sur un dossier pour lequel notre Cabinet assistait l’employeur public, le Tribunal des conflits rappelle que la qualité de Directeur d’une régie avec autonomie financière gérant un service public industriel et commercial (SPIC) a la qualité d’agent public. Il en est ainsi en application d’une jurisprudence ancienne et constante (CE, 8 mars 1957, Jalenques de Labeau : n°15219 – TC, 20 mars 2006, Mme A : n°C3487), laquelle fait exception au principe selon lequel les litiges individuels concernant les agents d’un SPIC relèvent de la compétence des tribunaux de l’ordre judiciaire.
Par ailleurs, s’agissant des régies dites personnalisées (dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière) comme des régies dotées de la seule autonomie financière, les articles L.2221-10 et L.2221-14 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) prévoient qu’elles sont nécessairement administrées par un Directeur.
Dans ce dossier suivi, le Juge des référés du Conseil de Prud’hommes de GRENOBLE puis la Cour d’Appel de GRENOBLE avaient rejeté l’exception d’incompétence opposée par l’employeur public en première instance comme en appel, alors même que lors de la procédure d’appel, invité en ce sens par notre Cabinet, le Préfet de l’Isère avait pris un déclinatoire de compétence.
La Cour d’Appel n’ayant pas suivi le déclinatoire de compétence du représentant de l’Etat, un arrêté de conflit a été pris par le Préfet de l’Isère, saisissant par la même occasion le Tribunal des conflits (conflit positif).
La juridiction des conflits rappelle le principe selon lequel le Directeur est nécessairement un agent public, de sorte que les litiges l’opposant à son employeur ne peuvent relever que de l’ordre de juridiction administratif, « sans qu’aient d’incidence », au cas d’espèce, que « les circonstances que son contrat de travail n’ait pas été modifié et fasse, comme ses bulletins de salaires, référence à une convention collective et que la commune ait suivi la procédure de licenciement prévue par le code du travail. »
Voir la décision du Tribunal des Conflits N°4177 du 13/01/2020
Publié le 17-01-2020 par Me Grégory MOLLION
Que deviennent les biens communaux transférés à un EPCI ?
Le transfert de compétences communales vers leur structure intercommunale est désormais bien connu. Un des effets de ce transfert l’est un peu moins, alors même qu’il est essentiel, puisqu’il touche aux statuts juridiques des biens communaux qui sont désormais sous la responsabilité de l’EPCI.
À partir du moment où le bien est affecté à un service public, le transfert de la compétence à l’EPCI maintient cette affectation. Pourtant, le gestionnaire change puisque la commune ne peut plus intervenir ni matériellement ni financièrement sur les conditions de gestion ou d’utilisation de son équipement ou de son réseau. Il s’agit là de l’effet d’un principe d’exclusivité qui implique que, dès le transfert, la commune est juridiquement dessaisie de toute compétence en lien avec son ancienne mission, qu’il s’agisse d’entretenir le bien, de l’agrandir, ou de financer tout type d’intervention sur ce bien. La jurisprudence est constante (interdisant y compris l’entrée dans le capital d’une SEM : CE 7 février 2005, commune de Fos-sur-Mer ; TA Rennes, 11 avril 2013, n° 1203243).
Publié le 14-01-2020 par Me Grégory MOLLION
L’illégalité de la signature d’un bail commercial sur le domaine public
La Cour Administrative d'Appel de PARIS a rendu le 12 décembre 2019 une décision intéressante, relative à une question assez répandue au sein des collectivités territoriales tenant à la signature de « baux commerciaux » sur des propriétés appartenant à leur domaine public.
On sait de longue date que le domaine public interdit la signature d’un bail commercial, d’où l’existence de montages contractuels de type AOT (autorisation d’occupation temporaire) ou autrement appelés conventions d’occupation du domaine public.
Dans cette affaire, tout est parti d’une décision de résiliation par la Commune propriétaire d’un contrat relatif à l’occupation d’une base nautique. La Commune estimait que l’exploitant avait commis un certain nombre de fautes susceptibles de justifier son terme anticipé.
Une action a été engagée par l’occupant devant la juridiction administrative.
Le paradoxe est que la juridiction administrative a été saisie de cette affaire, alors même que le contentieux de rupture des baux commerciaux devrait relever de la juridiction civile ou commerciale. Pour autant, le juge administratif est resté saisi de la question de cette résiliation dans la mesure où il existait un bail commercial, mais signé sur le domaine public.
Malgré l’illégalité de la signature du bail commercial sur le domaine public, cette signature a pour effet de permettre à l’occupant évincé de saisir le juge administratif afin, soit d’engager la responsabilité de la collectivité territoriale, soit de solliciter la reprise des relations contractuelles.
En l’espèce, la Cour de PARIS a rappelé que la Commune avait engagé sa responsabilité en laissant croire à l’exploitant que le bien bénéficiait de garanties prévues par la législation des baux commerciaux.
Cette faute, générée par une confusion entre les différents contrats qu’une Commune peut passer pour y faire exploiter un site touristique, doit permettre à l’exploitant de prétendre à une indemnisation telle que la perte des bénéfices et les dépenses exposées pour l’occupation normale du domaine jusqu’au terme prévu par le contrat.
Baux commerciaux et domaine public ne font pas bon ménage, il convient dès lors de qualifier pertinemment le contrat, et avant cela, s’interroger sérieusement sur la nature de la dépendance occupée.